Les yamas
Ahimsa, la non-violence. Le concept de non-violence, dans la philosophie indienne, est extrêmement ancien, mais il reste toujours aussi actuel et révolutionnaire. Gandhi l'a utilisé comme fondement de la lutte pour l'indépendance de son pays et son idée a été reprise dans les années 1960 par Martin Luther King et, dans les années 1980, par Nelson Mandela. Au long de l'Histoire, les idéologies politiques ou les religions ont rarement attribués une place prioritaire à la notion de non-violence. Au contraire, brutalité et haine ont souvent été justifiées au nom de principes religieux. il est d'autant plus remarquable que les théoriciens du yoga avaient déjà identifiés dans la non-violence une condition incontournable pour conduire ce que les philosophes contemporains appellent "une vie bonne". Littéralement, Ahimsa signifie "ne pas blesser", dans le sens d'éviter la violence à tous les niveaux : physique, verbale, mentale, et émotionnelle. Même si la différence est évidente entre le fait de menacer quelqu'un de le frapper et le frapper réellement, la violence physique est souvent précédée par la violence mentale est verbale. Toute maltraitance engendre des cycles de haine et d'amertume qui perpétuent la violence. l'agressivité exercée envers les autres revient vers son auteur, parfois sous une autre forme (rejet, inimitié, mépris). Un esprit rempli de haine ne peut être stable et cela rend impossible la pratique du yoga. Une fois la violence physique éliminée, on peut s'attacher à éliminer la violence verbale. Et on peut poursuivre cet effacement "à rebours", car en évitant d'utiliser des mots blessants, on arrive plus facilement à dépurer le mental de toutes traces de colère ou d'agressivité. Enfin, en supprimant les pensées violentes, on parvient à contrôler les émotions négatives. Pour le pratiquant de yoga, il est fondamental d'éviter tout acte agressif vis à vis d'autrui. C'est tellement important qu'il s'agit du premier point des yamas. _Ce texte est extrait de la revue Esprit yoga Numéro 3 de Sept/Oct 2011 Satya, la vérité. Pratiquer Satya signifie toujours poursuivre la sincérité dans sa vie personnelle et sociale. Contrairement à une pensée répandue, dire la vérité est plus facile et plus reposant que pratiquer le mensonge. Pour mentir avec succès, il faut une mémoire parfaite et une grande imagination. Chaque mensonge en entraîne un autre, et on s'empêtre petit à petit dans un dédale de mensonges dont on n'arrive plus à sortir. Si mentir use notre énergie, dire la vérité nous nourrit et nous donne du courage. On ne doit rien inventer et rien craindre. Un mensonge en revanche, engendre souvent une culpabilité, un état de malaise qui peuvent modifier notre humeur en nous rendant irritables et insolents, ou arriver jusqu'à la somatisation, sous formes de rougeurs, eczéma, nausée. Il est vrai qu'il n'est pas toujours aisé de dire la vérité. Dans certaines situations, une attitude trop franche peut être considéré comme une forme de violence. Dans ces cas, il est préférable de se taire, d'autant plus que souvent ce que nous pensons être la vérité n'est en réalité qu'une opinion, une conviction. Les pratiquants de yoga doivent apprendre à dire la vérité à soi-même et aux autres, tout en respectant leur sensibilité pour ne pas blesser. Ce texte est extrait de la revue Esprit yoga Numéro 3 de Sept/Oct
Asteya, ne pas voler. Cette Recommandation doit être interprétée au sens large, comme une injonction à éliminer de sa vie toutes les tentatives d'appropriation injustifiée et de malhonnêteté vis-à-vis d'autrui. Ceci ne concerne donc pas seulement les objets, l'argent ou les marchandises, mais aussi, et peut-être même en premier lieu, les valeurs spirituelles, les idées ou les choix de l'autre. Le vol comme le mensonge, plonge l'individu dans un état de tension, engendre de la culpabilité, tenaille à cause de la peur d'être découvert et confondu. Même si les médias et les fictions semblent parfois suggérer que menteurs et escrocs finissent toujours par gagner, ceci est rarement vrai dans la vie quotidienne et seulement sur le court terme. Ces personnes vivent une vie inauthentique et inaboutie. Les tensions négatives qui les habitent finissent par les user de façon précoce et les poussent à consommer et à abuser de substances toxiques. Voler c'est se blesser et blesser l'autre, en engendrant un cycle sans fin de pensées, émotions, et situations particulièrement négatives et destructrices. Bramacharya, la chasteté. Bramacharya aborde un point délicat dans notre culture hédoniste occidentale : la sexualité. Ce terme signifie "suivre brahma", le principe divin de l'univers. Dans la cosmologie indienne, l'univers est soumis à une trinité divine: Brahma, le créateur; Vishnou, le garant de la stabilité; Shiva, le temps qui dévore et détruit. Seulement Vishnou et Shiva sont mariés, tandis que Brahma est célibataire. Aussi pour atteindre des pouvoirs spirituels et créatifs supérieurs, il faut contrôler la dispersion de l'énergie sexuelle. Selon les interprétations les plus strictes, le pratiquant de yoga qui aspire à progresser dans le cheminement vers le Samadhi devrait éviter toute activité sexuelle. Pour d'autres, il suffit que cette activité soit modérée. Mais on peut aussi lire Brahmacharya dans une perspective contemporaine et actuelle. Une préoccupation constante des yamas est de recommander la distance, le détachement. Une activité sexuelle saine et épanouissante ne serait donc pas un problème en soi. Elle le devient quand elle n'est pas authentique, sincère et satisfaisante, car elle peut engendrer des émotions négatives, encombrer le mental , emprisonner l'individu dans une obsession. A l'inverse, une sexualité pleinement vécue et en communion profonde avec son partenaire peut contribuer à l'équilibre de l'individu, lui donner stabilité et sérénité, et donc l'aider à clarifier son esprit. On est alors en parfaite cohérence avec l'esprit de ce Yama. S'il est vrai qu'un yogi devrait canaliser son énergie sexuelle pour la consacrer à l'activité spirituelle, une vie sexuelle accomplie n'est pas en contradiction avec ce but, elle peut même en être une condition fondamentale. Ce texte est extrait de la revue Esprit yoga Numéro 3 de Sept/Oct 2011
Aparigraha, l'absence de possessivité. Ce terme désigne le détachement des biens matériels et, de manière plus générale, l'absence d'avidité. Nous avons tous tendance, en particulier dans nos sociétés occidentales et opulentes, à acquérir, posséder et conserver des objets. Ces possessions entraînent souvent une série de problèmes: comment les trouver, les payer les protéger de l'avidité d'autrui, jusqu'à comment s'en débarrasser. Aparigraha nous apprend que si l'on cesse de poursuivre l'acquisition de biens matériels, un grand nombre de problèmes mentaux et émotionnels disparaissent. Aparigraha apparaît particulièrement d'actualité dans le contexte contemporain de danger environnemental et de destruction des ressources naturelles. Le fil rouge des cinq yamas est donc la notion de détachement : des émotions négatives, par la suppression de la violence ; de ses propres illusions par l'acceptation de la vérité; de l'appropriation des biens d'autrui, en refusant le vol; des plaisirs superficiels et excessifs, par le choix de la modération et de la chasteté; de la cupidité, par le refus de la possessivité.
Les Yamas représentent un véritable enseignement éthique. En suivant ce code ou en s'en inspirant, les progrès spirituels et les bénéfices de la pratique seront plus aisés et plus profonds. Une bonne initiation pour entamer le cheminement vers des stades plus élevés du yoga. Ce texte est extrait de la revue Esprit yoga Numéro 3 de Sept/Oct 2011